Il est de notoriété publique que notre système de santé ne nous permet plus aujourd’hui d’être accompagné correctement. L’accompagnement du burn-out au travail ne fait pas exception. Cela se ressent plus particulièrement chez les médecins généralistes, eux-mêmes confrontés à de nombreuses difficultés. Entre patient et médecin, plus personne n’y trouve son compte. Aujourd’hui en publiant mon témoignage, mon point de vue est celui d’un patient à la recherche d’une aide pour surmonter un trouble psychologique.
Le burn-out au travail ne s’est pas fait sentir tout de suite. Mais à ce moment là, quand le burn-out s’est manifesté sans équivoque, j’ai été dans l’incapacité de faire quoi que ce soit pendant une demie journée.
L’après-midi même, impossible de trouver un médecin généraliste. J’apprends alors qu’a été mis en place un système de créneaux d’urgence. 10 créneaux sont disponibles dans la journée, si toutefois le patient appelle dès l’ouverture. Il était donc certain qu’il me faudrait attendre le lendemain pour en avoir un.
Le lendemain, j’appelle le secrétariat médical pour prendre un de ces créneaux d’urgence, en indiquant que j’avais déjà appelé la veille. On me demande le motif, ce à quoi je réponds un peu hésitante, le dernier syndrome anxiodépressif. Je n’avais pas réellement les idées assez claires pour penser à un burn-out au travail. Il est difficile de répondre justement, puisque seul un médecin peut réaliser un diagnostic. Mon médecin généraliste est absent, c’est donc le médecin remplaçant qui me prendra en charge.
J’ignorais alors que cela aurait des conséquences par la suite.
Des médecins généralistes dépassés face aux problèmes de burn-out
Je consulte mon médecin en face de qui je fonds en larmes en entendant la question « qu’est ce que vous faites dans la vie » ? Etrangement, elle ne me prescrit qu’une semaine d’arrêt maladie. Je pense donc qu’elle ne prend pas mon cas au sérieux, sachant que la norme est plutôt de 2 semaines. J’en ressors avec le conseil de ne pas voir la psychologue du travail (payée par mon employeur) ni les ressources humaines pour limiter les impacts sur ma carrière. Mais à la place, de voir la médecine du travail. Elle ne mentionne ni un psychiatre, ni un psychologue.
Je l’ai soupçonné sur le moment, mais la médecine du travail m’a confirmé ensuite qu’il n’était pas possible d’avoir un rendez-vous avec eux en moins de 2 semaines. Notre système de santé n’est pas suffisamment fluide et dimensionnée pour permettre une meilleure réactivité.
J’ai donc dû retourner voir la remplaçante de mon médecin généraliste juste pour le renouvellement d’un arrêt qui était évidemment trop court dès le début, selon le propre avis du secrétariat de la médecine du travail. La remplaçante m’a avoué elle-même que la moitié des consultations étaient d’ordre psychologique et qu’elle n’avait « pas les clés ». A nouveau, je n’ai pas plus de conseils, ni de diagnostic.
Prolongation du non-diagnostic par la médecine du travail
J’ai transmis à la médecine du travail, tous les éléments concernant mes conditions de travail. J’avais notamment rédigé des comptes rendus périodiques de nombreuses situations désobligeantes ou humiliantes au travail.
Le jour du rendez-vous, le médecin du travail n’avait pas pris connaissance de mon profil, et encore moins des documents envoyés. En observant la réaction du médecin qui découvrait ces documents, j’ai compris qu’il n’était pas prévu de prendre le temps de les lire. Le médecin m’a posé une seule question concernant le sommeil, aucune autre sur d’autres symptômes. Donc, aucune question permettant de réaliser un diagnostic (burn-out ou syndrome anxiodépressif réactionnel). Le médecin du travail essaye de m’inciter à lui donner l’autorisation d’en parler aux ressources humaines, ce que je refuse craignant des retombées négatives. Il me propose alors d’aller voir la psychologue du travail payée par mon employeur. En bref les conseils sont à l’opposé de ce que de la remplaçante du médecin traitant m’avait donné. J’étais plutôt d’accord avec son avis d’avoir une démarche d’accompagnement indépendante de mon employeur pour limiter les risques.
Le médecin du travail me demande de planifier un autre rendez-vous. Je sors de celui-ci avec comme seule consigne de faire renouveler mon arrêt de travail. Cela m’aide peu. Je n’ai finalement absolument pas avancé.
Anxiolytique ou antidépresseur ? Plouf-plouf entre deux traitements
Je suis donc revenue vers la remplaçante, presque bredouille. Pour essayer d’avancer, je lui demande moi-même d’entamer une démarche avec Mon Parcours Psy et elle me prescrit des anxiolytiques après avoir longuement hésité entre ce traitement ou des antidépresseurs. Il aurait sans doute été utile de demander l’avis d’un psychiatre, mais cela n’a jamais été évoqué par la remplaçante. Elle me prescrit donc de façon un peu hasardeuse, l’anxiolytique le moins puissant. Il n’a eu par la suite quasiment aucun effet. A ce stade et après 3 rendez-vous, je ne sais toujours pas quel est mon niveau d’anxiété, mon niveau de dépression et mon niveau d’épuisement.
Mon Parcours Psy
Je suis allée sur l’annuaire des psychologues du Parcours Psy (ou Soutien Psy) pour trouver une aide. J’ai eu beaucoup de mal à identifier des psychologues compétents sur les sujets liés au travail. Il existe plusieurs spécialités dans le domaine de la psychologie, aussi il vaut mieux choisir celle la plus adaptée à notre contexte. La plus proche était à 20 minutes de chez moi. Aucun psychologue de ma ville n’a choisi de faire partie de ce disposition. En effet, la psychologue que j’ai choisie m’a indiqué par la suite, que beaucoup de psychologues étaient contre ce dispositif. Pour la raison, compréhensible, qu’il leur fait gagner moins d’argent.
L’accompagnement du psychologue
De ce fait, il est normal et assez logique, que la qualité de la prestation en soit réduite. La psychologue m’a indiqué que ce dispositif ne concernait que des thérapies brèves. Cela ne veut pas dire grand chose lorsque l’on a pas de référence de thérapie « classique », surtout à supposer que chaque psychologue ne travaille pas nécessairement de la même façon. Cela dit, je me lance.
Les 3 séances que j’ai réalisé ont toutes été axées sur la même méthode :
- Un échange / une analyse des émotions (réalisées sur les 2 premières séances) : des cartes indiquant des émotions étaient posées sur une table et le patient exprime ce à quoi l’émotion indiquée lui fait penser
- Un échange / une analyse des besoins (réalisée sur la troisième séance) : des cartes indiquant des besoins étaient posées sur une table et le patient exprime ce à quoi le besoin indiqué lui fait penser
Il y avait une certaine redondance dans l’analyse entre les séances, aussi j’ai eu le sentiment que la progression n’était pas nécessairement bien cadrée, même si les séances étaient utiles en soit. Elles apportaient chacune un élément nouveau pour comprendre ma situation.
Et surtout, c’est la psychologue qui a mit un maux sur le trouble qui me rongeait : le burn-out.
La psychologue a pu identifier l’origine du burn-out au travail et aussi la manière d’en finir avec la cause. Néanmoins, la solution était la fuite, ce qui semblait assez évident. Ce qui est intéressant, c’est la relation entre le burn-out au travail et le triangle de Karpman qui permet de vraiment réaliser qu’une issue n’est possible. Par conséquent, inutile de s’épuiser à résoudre un problème dans ce contexte.
Ma conclusion et l’identification du besoin
Finalement, l’apport de cet accompagnement était plus dans l’analyse que dans les conseils en eux-mêmes. Bien qu’intéressant, cela rend l’accompagnement incomplet. Il est normal que l’amélioration prenne du temps, mais il manque toutefois deux choses. Une méthode claire mais également un programme qui a pour objectif d’atteindre un résultat. Même si le résultat n’est qu’une amélioration sensible, une amélioration est une amélioration. Et un jour, cela permet de s’en sortir.
N’en étant pas là à cet instant, je reprends ma démarche. Avec le constat d’avoir fait quelques pas en avant, puis quelques pas en arrière.
Le rendez-vous de la honte
Par le plus grand des hasards, je suis tombée sur un article indiquant qu’un choc émotionnel pouvait être considéré comme accident du travail. Etant donné mon angoisse à l’idée de reprendre le travail après une réunion catastrophique (le lien est donc clair entre burn-out et travail), j’étais donc bien dans ce cas de figure, et pourtant, le médecin remplaçant ne l’a jamais mentionné.
Je suis alors retournée chez la remplaçante du médecin traitant. Toujours avec cette même angoisse de retourner au travail et avec le sentiment d’être perdue face à l’inefficacité des méthodes employées.
J’ai immédiatement parlé de requalifier mes arrêts de travail en accident du travail, selon l’article que j’avais lu plus tôt. La remplaçante m’a indiqué qu’elle ne savait pas le faire. Elle m’apprit ensuite que seul le médecin traitant (et non le remplaçant) pouvait faire un accident de travail, ce que j’ignorais totalement. Au delà de mon ignorance, il aurait été impossible pour moi d’avoir un accident du travail dans tous les cas. Car avoir un rendez-vous en 48h avec mon médecin traitant qui était absent (car systématiquement remplacé le mercredi) était littéralement infaisable.
S’en est suivi un long discours de la part du médecin visant à se justifier de cet accompagnement hasardeux. Les troubles psychologiques peuvent rendre difficile le fait de garder patience face à des situations absurdes. Aussi, entendre un médecin généraliste expliquer à une personne en burn-out que son métier est difficile et que c’est un métier administratif qui n’attire plus, est tout sauf simple.
Le médecin a alors tenté de me donner un dernier (et enfin bon) conseil, celui d’aller voir la Maison de la Souffrance au Travail qui disposent de psychologues et d’avocats spécialisés dans les problématiques liées au travail.
L’abandon du suivi médical
Le médecin m’a ensuite renouvelé mon arrêt jusqu’au jour où elle réalisait son remplacement. Si bien que je ne pourrais consulter que le lendemain, en dehors de son jour de travail. Aussi, il était clair qu’elle ne souhaitait plus me voir. Je partageais ce sentiment. Heureusement dans cette histoire, il s’agit d’un médecin remplaçant, ce qui laisse la possibilité de voir le médecin traitant « principal ». Néanmoins, il est tellement difficile de trouver un médecin généraliste, qui plus est, un bon, que le patient est forcément du mauvais côté de la balance en cas de problème.
Les médecins ont le choix, ce n’est pas notre cas aujourd’hui en 2024.
Nous avons besoin d’être accompagné, que ce soit pour un cas de burn-out au travail ou pour tout autre trouble psychologique. Et nous ne le sommes pas suffisamment. Que ce soit pour avancer, ou pour éviter de rechuter.